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MARIVAUX.

ments », les chamarrures, les volants et les « mignonnettes », les rubans rases, les « amadis » garnis de blonde et les « glands à la frivolité ». Elle a une petite montre attachée à une chaîne de jaseron vénitien. Si menue que soit sa personne, elle s’ingénie si bien à faire bouffer les bouillons de ses robes, que dix aunes de taffetas d’Italie ou de mousseline des Indes ne suffisent pas toujours à étoffer sa grâce mièvre. Il lui faut de larges paniers à coudes. Les demi-paniers, autrement dits paniers jansénistes, recommandés par les mères sermonneuses, ne font point du tout son affaire. Elle marche à petits pas et l’on voit, au bord de sa jupe, les coins brodés de ses bas blancs et ses souliers de droguet blanc à fleurs d’or. La poudre maréchale a neigé sur ses cheveux. Il est probable qu’elle fait venir de chez Philidor, parfumeur célèbre, l’eau de myrte, la poudre mille-fleurs, la pommade tubéreuse et l’eau-de-vie de lavande qu’elle juge nécessaire à sa toilette. Elle est apparemment la cliente de Gersaint, ce fameux joailler du pont Notre-Dame, dont l’enseigne a été peinte par Watteau. C’est peut-être Ferdinand, fournisseur de la cour, qui ajuste à sa taille souple ses corsages de satin bleu. Elle use, en un mois, tout un paquet de mouches fines. Elle aime les toques, les plumes, les palatines de petit-gris, les colliers de martre zibeline.

Elle connaît d’instinct les ressources qui doivent lui assurer l’empire sur tous les cœurs. Peut-on être femme sans être coquette ? Elle sait ôter son gant pour montrer une main qu’elle a le bonheur d’avoir belle. Bref, cette jeune personne est une