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LES PERSONNAGES DE MARIVAUX.

le pas de deux), à la harpe, au clavecin, à la peinture et à la lecture à haute voix. Elles racontaient à leurs élèves beaucoup d’histoires.

Les classes, dans ces pensionnats de Thélème, n’étaient que des prétextes pour les récréations. Les Mémoires du siècle passé nous apprennent que les récréations de l’Abbaye-aux-Bois étaient particulièrement instructives. Non seulement on y jouait à des jeux très propres à développer la force, l’adresse et le courage, tels que la chasse à courre, avec piqueurs, valets et chiens, mais on y causait de choses sérieuses. On s’y accoutumait à regarder la vie en face, sans fausse pudeur ni sottes façons. Ces demoiselles, dans un âge où nos jeunes contemporaines jouent encore à la poupée, songeaient déjà aux menaces ou aux promesses du « mariage de raison », et savaient à quoi s’en tenir sur la valeur morale d’une comédie que les vieilles gens aiment à mettre en scène et à laquelle les familles feignent hypocritement d’attribuer quelque importance.

Un jour, à l’Abbaye-aux-Bois, Mlle de Bourbonne, fort triste, vint annoncer une grande nouvelle à ses compagnes. Cette pauvre Bourbonne, âgée de douze ans, venait d’apprendre, par ses parents, que M. d’Avaux la demandait en mariage, que la cérémonie devait être célébrée dans huit jours, et qu’aussitôt après elle rentrerait au couvent pour y achever son éducation.

La princesse de Ligne, qui raconte cette anecdote, ajoute ceci : « Le lendemain, à son réveil, Mlle de Bourbonne reçut un gros bouquet et, l’après--