Page:Deschamps - Marivaux, 1897.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
96
MARIVAUX.

passer dans leur âme quelque chose de sa tendresse et de sa raison.

Dès l’âge le plus tendre, elles ont été abandonnées, par l’insouciance de leurs parents, aux mains des femmes de chambre et des maîtresses d’école. Elles furent élevées, selon la coutume des filles de qualité, à l’Abbaye-aux-Bois ou bien au couvent de la Madeleine-du-Traisnel, rue de Charonne, ou bien encore à Penthémont, à moins qu’elles n’aient porté le manteau et la jupe d’étamine qui étaient de rigueur chez les dames de la Visitation-Sainte-Marie, rue Saint-Jacques. On entrait parfois dans ces pensionnats dès l’âge de trois ans. On y apprenait n’importe quoi, principalement à serrer le linge, à faire de la tisane et à ranger des bibliothèques. Les programmes de ces vieilles maisons ne comportaient pas, comme celui des progymnases russes et de nos modernes lycées de jeunes filles, l’enseignement de l’anatomie et de la gymnastique. Mais on y prenait, de bonne heure, l’habitude et le goût de vivre passionnément et raisonnablement. Les maîtresses n’étaient point de pauvres filles, diplômées par des savants, instruites par les livres et négligées par les hommes, mais des dames mûres, romanesques, dont quelques-unes, avant d’entrer dans les écoles, avaient acquis de l’expérience et fait leurs preuves avec les plus beaux et les plus aimés de leurs contemporains. Ces dames se figuraient que l’enseignement est surtout destiné à occuper les enfants, à les empêcher, provisoirement, de mal faire. Elles donnaient la première place aux jolies danses (telles que la farlane, la babillarde et