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Mais devons-nous accuser de ce sauvage vandalisme ces pieux et ignorants scribes, ces humbles et habiles manœuvres, dont les travaux merveilleux de patience et de délicatesse font encore l’admiration de notre époque ? Lettrés ou ignorants, pourvu qu’ils possédassent une belle écriture, ces pauvres moines étaient employés par les évêques, dès la fin du iiie siècle, à la transcription des pièces concernant l’histoire ecclésiastique et les textes sacrés : quelquefois même c’étaient des jeunes filles qui consacraient les plus belles années de leur existence à ce travail ingrat et pénible ; et l’illustre auteur de l’Encomium Moriæ, Érasme, se plaint avec amertume des moines qui confient à des fillettes le soin de transmettre à la postérité les trésors des lettres antiques[1]. Hélas ! ils ne connaissaient pas même de nom les auteurs qu’ils détruisaient[2]. Ces pau-

  1. Olim et in describendis libris adhibebatur religio non minor quam nunc adhibetiir in notariis publicis ac juratis ; certe major debebatur, nec aliunde tam prodigiosa librorum confusio profecta est, quam quod obscuris quibuslibet et monachis imperitis, mox etiam mulierculis citra dilectum rei tam sacræ tractatio committebatur. (Erasmi Adagia, tom. II, col. 403.)
  2. Pétrarque s’indigne et s’emporte contre l’ignorance et la sottise des copistes de son temps : « Comment pourra-t-on jamais, s’écrie-t-il, réparer le tort que nous font les scribes qui, par leur ignorance et leur paresse, gâtent tout ?… Quiconque sait tenir une plume et enluminer le parchemin se pose en habile copiste, quoiqu’il n’ait aucun savoir, ni même aucune notion de l’orthographe. Mais qu’importerait l’orthographe, si du moins ils s’astreignaient à copier fidèlement ce qu’on leur