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des couvents, à ces époques où le parchemin devenait de plus en plus rare[1], ne se faisaient aucun scrupule d’effacer, de gratter sans pitié les trésors profanes qui couvraient la plupart des vieux parchemins de leurs librairies, pour y substituer dévotement leurs Offices, leurs Rituels et leurs Graduels, et surtout leurs volumineux Commentaires des livres saints. Une des plus précieuses découvertes de la science moderne a eu pour effet de réparer en partie le résultat funeste de ces inepties barbares, en faisant reparaître les premiers caractères de quelques-uns de ces palimpsestes, et renaître, pour la joie des peuples civilisés, ces précieuses reliques d’un âge qui n’est plus.

  1. Aux dixième et onzième siècles surtout, il avait acquis une valeur exorbitante. Dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, alors qu’il se substituait généralement au papier de papyrus et au papier cornélien, on avait l’habitude de n’écrire que d’un seul côté, particulièrement les chartes et les actes officiels : ce n’est qu’à dater de la fin du neuvième siècle que l’on trouve des chartes écrites au recto et au verso. On comprend qu’à une époque où le commerce et l’industrie étaient presque nuls, cette prodigalité de la matière première amena en peu de temps une pénurie complète : ce fut alors que les moines commencèrent à racler le parchemin écrit, avec un fragment de verre cassé ou avec un grattoir ; quelquefois même ils le trempaient dans l’eau bouillante ou le faisaient passer par la chaux vive. Cette déplorable coutume devint si générale et produisit de si funestes résultats que les empereurs d’Allemagne, en élevant à la dignité de comte leurs chevaliers, avec pouvoir de créer des notaires impériaux, furent obligés d’insérer cette restriction dans les provisions qu’ils leur concédaient : « À condition que lesdits notaires n’emploieront point de parchemin vieux et raclé, mais qu’il soit vierge et tout neuf. » (Malfei, Istor. Diplom., p. 69.)