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Le Miroir De Mariage

Mais le faulx ami, par ma teste,
Blandist, flatte et va decepvent,
Et se tourne avecques le vent
Et consentira ta folie
Pour toy plaire a ce ne te lie
Chiens et oyseaulx te promettra
En ta bonneurté te sera
Compains, subgez obéissens
Il t’offerra milliers et cens
De flourins et quanqu’il couvient ;
Mais s’adverse fortune vient,
Et le requiers par adventure,
Tu trouveras response dure,
Ou il fera qu’il ne te voie.
Ou il fuira toudis ta voie,
Ou il dira : « Je n’ay denier :
J’ay bien du bief en mon grenier
Pour vivre jusques aux nouveaux
Je n’ay meubles, vaiches ne veaux
De quoy je puisse faire argent. »
La se moustrera indigent,
Se tu as ton estat perdu.
Tel ami soient confundu !
De paroles et non de fait
Est maint ami qui ainsi fait.
Si doit on l’ami tenir chier
Qui son avoir fait desmarchier (a),
Et qui l’apporte de son coffre
A son ami, ainçois qu’il l’offre,
Quant il voit que mestier li est ;
Et qui treuve un tel ami prest,
Il en doit faire son tresor,
Garder et amer com fin or
Et le croire, amer et cherir ;

(a). Sortir.