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se lancer dans son admirable prose. Les deux Chénier étaient également de très-bons prosateurs ; et de nos jours, un des auteurs les plus brillans, un des érudits les plus profonds, M. Charles Nodier, faisait de charmans vers avant de faire son excellente prose. Enfin, toute la belle et large prose de M. Victor Hugo, dans tous les genres, et ce grand roman historique de Cinq-Mars, qui eût suffi pour faire la réputation de M. Alfred de Vigny, sont des preuves de la prééminence du génie poétique ; d’un autre côté, J.-J. Rousseau, lui-même, le génie de la prose, n’a pu produire que des vers faibles et sans chaleur. Nous rappellerons aussi que les grands poètes ont toujours été les hommes les plus instruits et les plus philosophes de leur temps ; ce n’est même qu’à ces conditions qu’ils étaient de grands poètes. Et qu’on ne dise pas que dans un siècle comme le nôtre, où les sciences politiques et les études philosophiques sont portées à un si haut degré de perfection, les poètes ne peuvent plus acquérir la prépondérance qu’ils avaient dans les âges moins éclairés ; les hautes renommées de Gœthe au milieu de la philosophique Allemagne, et de Byron dans le pays natal de la politique, sont là pour démentir ce préjugé trop répandu. Il y a une