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de modes. De tous temps, les poètes ont souffert de l’indifférence ou de l’ignorance du public. Le Odi profanum vulgus et arceo d’Horace, tout impertinent qu’il paraisse, devrait être l’épigraphe de chaque œuvre vraiment poétique. À moins d’un miracle qui arrive de loin en loin, quelle illusion peut se faire un poète de nos jours, quand le Dante, le Tasse, le Camoëns, Milton, etc., etc., ont été méconnus de leurs contemporains ! la poésie, non dramatique s’entend (car le public assemblé est presque la postérité), se trouve étrangement compromise entre les hommes à idées positives et la frivolité des salons.

C’est en France surtout, chez ce peuple le plus spirituel et le plus intelligent de l’Europe, que la haute poésie est peut-être le moins goûtée par ce qu’on appelle le monde. Le caractère, l’éducation, les habitudes des Français n’ont rien d’artiste. Les brillantes qualités de leur esprit, la vivacité prodigieuse de leur conversation, la coquetterie de leurs mœurs, sont en opposition directe avec le sentiment poétique, qui ne se développe que dans une vie recueillie ou passionnée. À Paris, les arts et la poésie sont un sujet de discussion au lieu d’être un amour ; il n’y a pas de pays où l’on en parle plus et où l’on en jouisse moins. Quelque chose de mo-