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NOTES DE ROMÉO ET JULIETTE. 353 grande originalité. Shakspeare y montre toutes ses profondes connaissances du cœur humain et cet esprit d’observation phi- losophique qui égalait chez lui l’éclat de l’imagination. II Que vois-je? — Elle respire, elle s’agite?... Page 192. Voilà ce qui constitue le dénoùment que Garrick a substitué à celui de Shakspeare, et que tous les théâtres ont adopté avec raison. Dans la tragédie primitive de Shakspeare, Roméo arrive dans les tombeaux, contemple Juliette qu’il croit morte, avale le poison et meurt. Juliette ne se réveille qu’après. — Elle voit le cadavre de son époux étendu près d’elle; et, sans pouvoir rien s’expliquer, elle se tue. Cela est d’une tristesse effrayante, d’un tragique morne, plus profond, plus désolant que les scènes sub- stituées par Garrick; mais il faut convenir que le dénoùment, tel que ce grand tragédien l’a combiné, est plus saisissant, plus pathétique, plus scénique, par les alternatives d’extase et de désespoir qu’il renferme. Il est surtout plus favorable au jeu et à la pantomime des acteurs, et cette seule considération devait le faire préférer. Aucune autre tragédie ne se termine par une catastrophe où la terreur et la pitié soient portées à un si haut degré. C’est à un tel point que la langue parlée est en quelque sorte insuffisante dans une pareille situation, dont la musique, ce langage des passions et de la douleur, s’est emparée victorieuse- ment dans le drame lyrique. III Là, messeiijneurs.’... Page 197. Après la mort de Juliette et de Roméo, Shakspeare ramène leurs parents, le prince et tous les personnages encore vivants, suivis d’une foule de citoyens de Vérone î et la réconciliation des familles ennemies est jurée sur les cadavres des deux amants, entre les mains du père Laurence, qui parle au nom du Dieu de paix dont il est le ministre. Cette dernière scène est la haute moralité de l’œuvre. Elle était supprimée dans la traduction pour le théâtre ; on ne l’eût peut-être pas écoutée. Je la rétablis ici comme un complément .