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LES ROMANCES DU CID. 107 raire, tenter des carrières où leurs pas ne se soient point imprimés. Si l’on excepte la tragédie et la comédie, dans les- quelles on peut toujours se faire un beau nom, après tant de noms illustres, parce que l’une puise de nou- veaux aliments dans chaque siècle révolu, et l’autre de nouvelles couleurs dans chaque siècle qui s’ouvre; si l’on excepte aussi la poésie lyrique, dont notre langue nous offre, il est vrai, de magnifiques fragments dans les formes antiques, mais qui n’a point été naturalisée en France, il n’y a plus de gloire possible que dans les genres où n’ont point brillé nos poètes classiques. On doit s’écarter de leur chemin, autant par respect que par prudence, et certes ce n’est point en cherchant à les imiter qu’on parviendra jamais à les égaler. Un champ immense reste encore à moissonner par la génération nouvelle : c’est le poëme proprement dit, depuis l’épopée homérique jusqu’à la ballade écossaise. André Chénier est le premier, parmi nous, qui ait fécondé ce champ, négligé jusqu’alors. Lq Jeune Maladej> le Mendiant j V Aveugle, sont des compositions ravis- santes, qui, dans des proportions moyennes, renferment les principales conditions du genre. C’est l’intérêt du drame jeté à travers le luxe des descriptions. Le poète pose, pour ainsi dire, les décorations, et les person- nages viennent agir et parler devant le lecteur, comme sur la scène. Dans ces sortes de compositions, tout est tableau ou dialogue, et l’on invite ainsi la narration, toujours si fatigante dans le grand vers français. Les littératures étrangères sont très-riches sous ce rapport, et après avoir tant emprunté aux anciens, nous avons encore d’utiles emprunts à faire à nos voisins. Déjà quelques-uns de nos jeunes poètes se sont exercés avec honneur dans cette nouvelle carrière, et nous ont révélé de grands talents par des poèmes de peu d’étendue. On ne saurait trop les encourager dans leurs efforts, mais en même temps on ne saurait trop leur répéter qu’à côté de l’imagination qui crée, doit toujours se trouver le goût qui conserve, et que les chants de la muse moderne ont besoin, pour triompher, d’être repro-