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ACADEMIE FRANÇAISE. 93 pendues. L’imagination s’épuise à rêver d’avance la pompe d’un si doux triomphe. Mais l’iieure approche, un murmure respectueux circule dans l’assemblée, un vaste silence lui succrde, la salle entière écoute et regarde; une voix s’élève seule... on croirait que c’est la fête qui commence : hélas! ce n’est qu’une séance qui s’ouvre. Quelque chose d’officiel dans l’air, des encriers et des programmes quand on cherche des lyres et des parfums, enfin le je ne sais quoi académique^ viennent déranger toutes les émotions et décolorer tous les rêves. Le triomphateur en est frappé lui-même; un froid inattendu le saisit sous ses palmes, et voilà le revers de sa médaille. C’est à Toulouse qu’il y a fête! C’est aux Jeux floraux, avec le souvenir des trouvères, au milieu des brillants cortèges, parmi les flûtes et les guitares, quand vient le jour de la moisson des amarantes d’or et des beaux lis d’argent! On sjnt qu’une femme a passé par là, tant il y a de douceur dans cette gloire. La veille au soir, le blanc fantôme de Clémence Isaure est encore venu dépo- ser son bouquet sur le seuil de sa chère Académie; c’est en son nom qu’on va en distribuer le» fleurs aux jeunes poursuivants de la gaie-science; et les poètes, amou- reux de ces fleurs, semblent en parfumer leur poésie, et mêlent toujours une suave et molle harmonie aux chants les plus sévères, se ressouvenant sans doute que dans les temps antiques, pour être bien accueilli des Muses, il fallait avoir sacrifié aux Grâces. Mais rentrons dans l’Académie française, qui devrait bien prendre sa sœur, l’Académie des Arts, pour son maître des cérémonies. C’est ici que je m’embarrasse; il faut aborder la question littéraire, et je ressemble au jeune navigateur qui regarde longtemps le ciel et la mer avant de poser le pied sur un rivage étranger. D’ordinaire, on implore l’indulgence de la critique, c’est la critique aujourd’hui qui a besoin de bienveillance. J’ai grand’peur, je vous assure, de tous ceux que je vais juger, et je demande grâce, la férule à la main. V abolition de la traite des noirs est un sujet essen- tiellement poétique, parce qu’il donne à la fois matière