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LE POEME DE RODRIGUE

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 Et la noble fille outragée
Cria vengeance, et fut vengée
De son lâche vainqueur... mais sur l’Espagne, hélas !

Qui fut le plus coupable, en sa faute mortelle,
De Florinde ou du roi ?... Comme alors, aujourd’hui, ^
Les hommes disent que c’est elle,
Les femmes disent que c’est lui.


DÉSESPOIR DU COMTE JULIEN


Le comte Julien, seigneur de Tarifa,
S’arrache les cheveux et la barbe en désordre ;
         On le voit déchirer et tordre
Ses bras, par qui, cent fois, l’Espagne triompha ;
Il blesse son visage auguste, et sur ses armes
Tombent de ses deux yeux le sang avec les larmes. —
 
Tantôt, d’un air fatal, le vieux chef espagnol
Regarde le chemin de Xérès à Cordoue ;
        Tantôt, tristement il secoue
Sa tête vénérable , et regarde le sol ;
Tantôt, il la relève avec les yeux en flamme.
Et regarde le ciel , portant l’enfer dans l’âme :

« Ainsi, mes cheveux blancs d’opprobre sont couverts !
Ah ! le roi leur a fait cette exécrable injure !
          Haine ! vengeance ! je le jure !
Pauvre vieillard, sur qui tous les yeux sont ouverts !
Un seul affront flétrit toute une belle vie.
Qui d’une belle mort aurait été suivie !

« Roi sans cœur, roi félon, si bas dans ta grandeur !
Voluptueux tyran, de tes désirs esclave,