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SOUS-OFFS

Puis, l’ayant soulevée, pesée, il repoussa la malle sous son lit, avec le geste de la trouver trop légère encore.

Il vint ensuite se camper devant Favières et résolument :

— Voyons, n’ai-je pas raison contre Petitmangin ? dit-il. Je ne m’en irai pas comme les camarades, quasiment nu ; j’aurai le temps de chercher une place, au départ de la classe… Lui, c’est de la parfumerie, des gâteaux, des liqueurs… Et puis après ? Il a pour cent francs de ces bibelots-là dans sa valise… Ça le conduira loin !…

— Ah ! Petitmangin ?… questionna le fourrier.

— Oui, il a pour maîtresse la femme d’un mécanicien classé à bord d’un transatlantique… Pas belle, non… mais charmante avec lui… Il aurait ce qu’il voudrait…

Le clairon, sous la fenêtre, sonna l’extinction des feux.

« On se pagnote, hein ? » dit Montsarrat.

Il procéda à sa toilette de nuit qui dura une demi-heure, à raison du shampooing à l’eau-de-vie de marc dont il s’ondoya, pour se fortifier le cheveu.

Le surlendemain, au réveil, Petitmangin entra brusquement dans la chambre de son collègue, encore couché, le secoua pour lui raconter ses deux nuits, sa journée de la veille. Puis il retourna ses poches, en fit tomber des chatteries, des gâteaux à thé, un dessert varié, dont il forçait l’autre à prendre sa part.

— Je t’assure, c’est pour toi… elle t’envoie cela. Quand elle a su que tu étais consigné, elle voulait aller chercher ta femme. Mais je m’y suis opposé, sans dire que Schnetzer… tu comprends ?

— Ah ! Schnetzer… si tu l’avais vu hier, au rapport… Il a le nez coupé en deux, d’un coup d’ongle.

— Tiens, des caramels, interrompit Petitmangin, en débouchant un flacon de confiseur.

Mais Montsarrat le considéra avec une expression indéfinissable et murmura : — C’est tout de même bête ! Avec l’argent de ces foutaises, tu pouvais avoir une demi-douzaine de beaux mouchoirs.