Page:Descaves - Sous-offs, 1927.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
SOUS-OFFS

peut-être n’irais-je pas aussi souvent… Mais elle prétend que ça lui rend le travail plus facile — et elle travaille pour moi.

Il lâchait cela, tranquillement, dans la fumée de sa pipe, dissipée à petit souffle, comme on chasse de légers scrupules.

Tout à coup il se leva, attira entre ses pieds une petite malle rangée sous son lit, l’ouvrit…

— Il faut que je vous montre.

Il s’était assis en tailleur, par terre, devant la malle béante, exposant le premier de ses compartiments superposés ; un capharnaüm où les objets de toilette et d’étagère, confondus, semblaient provenir du pillage d’une chambre de fille.

Montsarrat prit une boîte en ivoire, garnie d’une mignonne houppette à poudre de riz.

— Souvenir du premier bal, à Neuville, dit-il.

Un peigne en écaille :

— Après une promenade à Puys.

Un porte-cigares en maroquin :

— Je ne me rappelle plus.

Un nécessaire :

— Pour rien, parce que ça lui faisait plaisir.

Il continua son étalage, mettant des dates sur des objets, passant outre quand sa mémoire le trahissait, déballant à la fois ses souvenirs et des bibelots, qui racontaient l’histoire de leurs premiers mois d’amour.

Il enleva le compartiment, découvrit des piles de linge, s’arrêta complaisamment à cette seconde étape de leurs relations. À mesure qu’il déplaçait un paquet, il déchirait l’étiquette chiffrée, à en-tête de magasin, indiquant des pièces neuves et il épinglait, à la place, un souvenir, comme on arrache les feuilles d’une éphéméride :

— Six chemises fines ; « pour ma fête ». Deux douzaines de mouchoirs ; « pour la sienne ».

— Ah !… fit le fourrier, interloqué.

— Oui ; c’est la même chose.

Il reprit : — Trois foulards de soie pour l’anniversaire de ma naissance. Des cravates, je ne les compte plus. Des chaussettes tricotées par elle. Huit serviettes