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IV


— Moi faire ton lit, astiquer fourbi et laver doublure de veste.

— Oui, Quélennec.

Quélennec, le brosseur de Favières, est un petit Breton ajourné, de 1,54 m., la taille juste, mais trapu, avec une large face ouverte, une bouche caricaturale, des yeux verts, des oreilles en écailles de Marennes. C’est aussi un des quatre silencieux qui se rassemblent, le soir, tête contre tête, autour d’un lit, et trouvent, dans leur mutisme confidentiel, un charme dont, peut-être, leur conversation serait dénuée.

Il est arrivé au régiment non seulement illettré, mais incapable de se faire comprendre… Maintenant il sait quatre mots de français, desquels il convient de retrancher : deux mots d’argot militaire — et un juron. Il parle un petit nègre ahurissant et tutoie invariablement les officiers.

Favières avait fait venir de Paris un méchant oignon et s’était attaché Quélennec en le lui donnant. Ce fut un événement. Jamais les quatre Bretons n’avaient osé aspirer à une montre. Ils eurent pour celle-ci les yeux d’un éléphant pour une toupie.

Un jour, la montre s’arrêta. Alors, pendant qu’on la réparait, ils se sentirent vraiment seuls, comme une société de cinq personnes qu’on amputerait tout à coup de celui de ses membres qui amuserait les quatre autres.

En décembre, un matin, un événement de quelque importance rompit la monotonie des décisions journalières.