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SOUS-OFFS

ne parle pas, qui aboie : le trou qu’il a sous le nez nous le livre, comme Lormelin… Le nouveau de la 1re, Laprévotte, ah ! on ne sait pas encore.

— Nous l’avons connu sergent-major au Havre, dit Favières. Il a une existence mystérieuse, dans la caserne même ; pas de maîtresses : il place de l’argent. Les officiers l’aiment beaucoup, parce qu’il est distingué, parle bien. Un ancien enfant de troupe pourtant ! Et ce qu’ils sont mal embouchés ordinairement, hein ! Tétrelle ? Tu te rappelles l’histoire du Havre ?… Sept de ces gosses trouvés dans les combles, à la file… sodomite, car j’ignore s’il y avait quelque chose d’indien dans leur cas.

Ni Montsarrat ni Petitmangin n’avaient compris le sens de l’épithète appliquée par Favières au jeu des enfants. Ils jugèrent cependant devoir rire, pour tenir leur rang.

On servait le dessert ; c’était le moment de passer la question du rengagement, le rince-bouche de toutes leurs conversations.

— Vous qui êtes libérables, resterez-vous au corps, chefs ? demanda Tétrelle.

Les deux sergents-majors protestèrent vivement :

— Ah ! mais non, nous en avons soupé !

Montsarrat reprit : — Ce n’est pas, au fond, qu’on soit très malheureux dans le grade. Quand on est à la coule… Seulement, voilà : pas de considération.

Et Petitmangin d’ajouter : — C’est vrai… il y a des grâces d’uniforme. Vous ne savez pas cela encore, vous. Des douceurs à côté de la caserne, oui… Mais quand on espère les retrouver dans la vie civile, n’est-ce pas ?

Il souriait à son collègue, d’un regard d’entente, d’orgueilleuse complicité. Et tous deux mâchaient le métier coriace, légèrement, ayant encore la digestion aisée, la dent jeune.

— Nous prenons le café ici ? proposa Favières.

— Non, c’est nous qui l’offrons sous les arcades, dit Montsarrat.

— Alors, l’addition.

Le garçon l’apportait ; mais Montsarrat l’intercepta et, sans notion des us, l’étudia complaisamment.