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SOUS-OFFS

de campement dans lesquelles les escouades mangent la soupe pendant les manœuvres.

Il avait un vaporisateur dont il jouait, plein d’attention pour ses pieds. Puis il répara sa peau, égalisa soigneusement, avec de mignons ciseaux de poche, des touffes de poils au creux, de l’estomac. Il pinçait sa chair, en la remontant, comme pour la baiser. Ensuite, il parfuma son linge et saisit deux glaces qu’il disposait de façon à se voir la nuque en même temps que le visage.

Favières, en expédiant ses pièces journalières, examinait à la dérobée cette grande garce en uniforme, laquelle s’extirpait des tannes avec tranquillité.

Quand ils furent prêts : — Allons chercher Petitmangin, dit Montsarrat.

Il ferma la porte, en cacha la clef, afin que personne ne violât le sanctuaire en son absence.

La chambre de son collègue était à l’étage inférieur. Il entra sans frapper, suivi de Favières, tomba dans une pièce dont la malpropreté hurlait, au sortir du bureau de la 4e.

Dans des gamelles de campement, des eaux sales séjournaient, équivoques, féculentes ; sous le lit du chef, le linge de la dernière quinzaine s’entassait : chaussettes trouées, chemises loqueteuses, fonds de caleçons pourris, parmi les vieilles bottines, les romans-feuilletons, les théories, un cordeau de tir, des fausses cartouches…

Les vitres, nues, étaient veinées de pleurs dormants, et dans la poussière respectée, la vie journalière s’inscrivait.

Tel le logis, tel l’homme. Petitmangin était un assez joli garçon, blond, à longues moustaches, l’air insolent et rosse, puant aussi les fards avariés, mais, au rebours de Montsarrat, d’une saleté de dessous incurable.

Son képi, à coiffe poissée d’huiles et d’onguents, résumait, sous un galon neuf, en faux or, la chambre et le locataire, la crasse et l’odeur rance d’un mur et d’une tête.

— Nous y sommes ?

En deux temps, il fut prêt, la poitrine bombant sous une tunique grasse et fatiguée.