— Au collège jusqu’à dix-sept ans.
— Bachelier ?
— Es-lettres seulement.
— Avez-vous l’intention de faire votre carrière dans l’armée ?
Favières, résolument, répondit : « Non, mon commandant. »
Alors celui-ci, sans insister, s’éloigna.
— Chuard… caporal aussi… Vous étiez valet de ferme chez vous ?
— Oui, mon commandant.
— Pas de punitions… Bien, mon garçon.
Et il s’attarda une minute à dévisager son homme, un petit paysan imberbe, gercé, scarrieux, émotté, brun comme la terre, le front, le nez, le menton, la bouche, taillés rapidement à coups de serpe, toute l’intelligence tapie dans des yeux volontaires ponctuant l’énergie brutale, l’expresse volonté de commandement épandue sur toute la face.
— Vous avez dû beaucoup travailler pour gagner ces galons ? demanda Mauvezin.
— Oui, mon commandant.
— À quel âge avez-vous quitté l’école ?
— À huit ans, mon commandant.
— Il faut continuer, mon ami… Ah ! Parisien aussi, Devouge… Quel état ? Tapissier…
Devant ce voisin de Chuard, le chef de bataillon ne fît qu’une courte pause. D’un coup d’œil, il avait pesé l’homme, un garçon coiffeur à la moustache mousseuse : l’étoffe d’un joli sous-officier.
Mauvezin ne s’arrêta pas davantage devant les numéros 5 et 6, le maître-cordonnier Chanut, qu’une abominable canitie ensauvageait, et le perruquier Cœurdevey, mis à pied et puni de trente jours de prison « pour avoir, soignant secrètement une affection vénérienne, enfermé des linges sales avec ses rasoirs et communiqué sa maladie à un homme de la compagnie ».
Mais, devant le dernier soldat du rang, le commandant fit halte et sans regarder le livret : — Parisien, vous, hein ? Comment vous appelez-vous ?
— Édeline.