Page:Descaves - Sous-offs, 1927.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.

I

Une porte claqua et de gros souliers sonnèrent sur les marches. Dans le silence touffu d’une fin de nuit de chambrée, ce bruit tomba ainsi qu’une pierre en une eau dormante. Un frisson courut sous les couvertures ; il y eut ce pelotonnement gourmand des corps, l’hiver, à l’approche du réveil, et les respirations s’allégèrent. Cinq heures tintaient en ville.

D’autres portes battirent ; des godillots plus nombreux traînèrent dans les escaliers ; un cuisinier passa, ramassant les gamelles oubliées, les heurtant l’une contre l’autre, avec l’évidente rogne de l’homme forcément matinal.

Alors, minute à minute, la caserne s’éveilla, s’étira, grinça, lasse et cassée comme une vieille servante toujours debout la première. Des soldats sommeillaient sur un coin de lit, en se chaussant ; et dans l’obscurité attardée de ce novembre ambigu, des silhouettes d’ordonnances s’en vont, un sabre sous le bras, tandis que deux ombres se poursuivent, l’une portant des cruches pour le café.

Favières, à regret, rejeta son drap, se culotta et descendit à son tour, pour un besoin. Dans les latrines, — les œils-de-bœuf obstrués, flanqués de semelles en relief dans la pierre, — il rencontra des gaillards en chemise, nu-pieds, en dépit des décisions du rapport.

Mais quand il remonta, si cuirassé qu’il fût, par dix mois de service, contre le méphitisme de la chambrée, il s’ébroua sur le seuil, suffoqué.