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SOUS-OFFS

vernis d’indifférence, le pied de nez facile, la mystification prompte, et quand elle arrive, cette première lettre, quand on en a reconnu l’écriture, on a beau dire… ça fait toujours quelque chose !…


La première sortie en uniforme.

Ah ! on s’en souvient ! C’est le surlendemain de l’arrivée. On s’est fait habiller, tirer, un genou dans les reins pour obtenir les deux plis perpendiculaires… Et au-dessus de la joie de sortir du quartier sans encourir le « demi-tour » du sergent de planton ; au-dessus d’un repas dehors et des deux heures de liberté, entre la soupe et l’appel du soir ; au-dessus de tout cela, il y a la curiosité de l’effet, la vision oblique dans les vitrines, les glaces des devantures, d’un bonhomme qui vous ressemble, gauche, raccourci, avec seulement des pieds, des oreilles et des mains…

Et la première promenade dans la rue de Paris, sous le gaz des étalages ! Les petits soldats, à la queue leu leu, tombés en arrêt devant les pains d’épice, les images de piété, les photographies, les dunkerques, pâture pour ces ruminants.

La retraite part du théâtre, la première retraite ! Ils l’ont suivie afin de rentrer à l’heure exactement. Les peaux et les cuivres alternent, cadencent le pas. Les bleus suivent, sans parvenir à régler le leur : telles des canes derrière une chanson. Et, brusquement, sans motifs, un roulement les bouleverse, les prend au ventre, aux yeux, à la gorge… Ils supputent mentalement le nombre de retraites qu’ils entendront encore… Et ils se hâtent, ils s’accrochent à celle qui passe ; ils se jetteraient sous les baguettes comme on se précipite sous des roues, parce qu’il leur semble que c’est sur leur peau qu’on la bat, cette retraite !

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Le peloton des élèves-cabos…

Comme ces bêtes parquées, qu’on attache a un piquet, ils tirent sur leur longe, dans la main de l’instructeur… Ce sont les conversions.