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SOUS-OFFS

« Rabats ta chemise, ma femme » ; — c’est la berloque.

Le clairon sonne les pauses, les reprises, appelle, s’impatiente, lance le « Trop tard ! » de ses notes brèves, publie les corvées, les dénombre, haut et net, comme un coq sur le fumier.

Ah ! aux tympans vrillés, aux tempes martelées par les sourdes batteries, combien est douce et rafraîchissante l’extinction des feux, dont la plainte traînante et mélancolique éperd dans le silence son hurlement à la lune !

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La première gamelle !

Dans le couvercle retourné, une poignée de sel, puis la viande ébouillie et les pommes de terre sales, pochées de noirs et de bleus, comme une chair meurtrie : morceaux de choix miraculeusement pêchés parmi les effondrilles d’une lavasse généreuse où nagent encore les chanteaux compacts, les haricots, le riz et les pois cassés, âprement soustraits aux réserves séculaires d’une parcimonieuse administration.

Le cœur est soulevé de dégoût parce qu’on a dû, préalablement, prendre soi-même cette augée dans la cuisine, où elle graillonnait, au milieu des torchons fuligineux, des boues de sabots, des rinçures de seaux, des chandelles errantes…

— Hein ! on n’en mange pas tous les jours de la bidoche, chez toi ? disent, cependant, les anciens, aux robustes bâfreurs que la gamelle laisse irrassasiés.

De la viande, à la vérité, ils n’en mangeront pas tout de suite et les bleus qui négligèrent de payer leur béjaune au cuisinier ou qui se permettent des débauches à la cantine, verront les 300 grammes réglementaires réduits à la tendineuse portion d’un dix-huit marmites abject.


La première lettre !

« Un tel… pour vous. »

On est Parisien ; on a une enveloppe frondeuse, un