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SOUS-OFFS

tacle des linges pourris et des ingrédients de propreté en liquéfaction ; tout un rudimentaire trousseau en bois, en cuir et en toile à bâches, murs intimes d’une caserne corporelle qui a, elle aussi, son code et ses règlements : la discipline des entournures.

En bas, pour l’habillement maintenant : le pantalon taillé a coups de sabre, haut monté, sans doute dans la crainte qu’on ne voie pas la paire de pales qu’il emmanche ; la ridicule capote, tendant les babines de son collet au bourdalou du shako caniculaire et donnant l’impression d’un guillotiné qui s’en irait les épaules coiffées.

— … Rétrécir le collet de deux centimètres ; allonger la manche droite d’un centimètre ; faire croiser les jupes.

Le capitaine d’habillement parle, inspiré, considère l’homme d’un regard par-dessus d’imaginaires lunettes, le retourne d’une pincée de doigt dégoûtée…

Le paquet s’en va, ficelé : c’est un soldat.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Maintenant, qu’ils sont accoutumés au cri, il y a mieux : les sonneries ; perforations brutales du cuivre, batterie funèbre des peaux d’ânes.

Une misère s’accroche à chacune. Sous les notes s’envolent des souvenirs, comme dans une décharge de petit plomb, des compagnies de perdrix affolées.

Et pourtant, elles chantent — les sonneries. Elles sont pimpantes, allègres, se lèvent comme les coqs et se couchent, — sauf une — comme les poules. Elles ont une bonne humeur d’invite contrastant avec la pitié des corvées qu’elles proclament. Tel est leur entrain, leur martialité cavalière, que les soldats se laissent aller à mettre des paroles gaies sous la musique qui les fait danser.

« Soldat lève-toi, soldat lève-toi bien vite » ; — c’est le réveil.

« Les nouvelles du pays ! Les mandats d’cinquant’-francs » ; — c’est la chanson du vaguemestre.

« Les malades en bas ! Les tireurs au cul !… » — c’est la visite de santé.