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MARCELINES DESBORDES-VALMORE

vers dans les salons et fréquentait chez les demoiselles comme Délie. Il ne s’y ennuyait pas, même lorsque Marceline n’était pas là, tandis qu’à celle-ci les fêtes devenaient insupportables dès qu’il ne les illuminait plus de sa présence. C’est la différence qu’elle marque dans ce vers :

De nos printemps égaux lui seul portait les fleurs !

et dans ce cri, un des plus beaux qu’elle ait poussés :

Il n’aimait pas… J’aimais !

Ce n’est pas encore l’abandon, mais c’est déjà la ruse forgeant autant de prétextes pour manquer aux rendez-vous, qu’elle en forgeait naguère pour les obtenir. Une fois qu’ils devaient se rencontrer dans un concert où, seule, Marceline est venue :

Quelle soirée ! Ô Dieu que j’ai souffert !…
Dans la foule, cent fois j’ai cru t’apercevoir…
J’ai langui sans bonheur, de moi-même arrachée ;
Et toi ! tu ne m’as point cherchée !…
Mais je suis seule au moins, seule avec ma tristesse
El je trace, en rêvant, cette lettre pour toi,
Pour toi que j’espérais, que j’accuse, que j’aime !
Pour toi, mon seul désir, mon tourment, mon bonheur !
Mais je ne veux la livrer qu’à toi-même
Et tu la liras sur mon cœur !

Elle n’envoie pas cette lettre-là, mais elle en envoie d’autres, haletantes, éperdues, avides, où