Page:Descaves - La Vie douloureuse de Marceline Desbordes Valmore.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
73
LA JEUNE FILLE

Et la voilà prise au collet qu’il fut expert à tendre.

Avec quelle pudeur charmante encore elle dépeint la fascination !

J’étais seule avec lui ; j’écoutais son silence.
L’heure, une fois pour nous, perdit sa vigilance,
Contre un penchant si vrai, si longtemps combattu,
Ma sœur, je n’avais plus d’appui que sa vertu !

Pour dissiper « la sombre rêverie » dans l’art de laquelle il est versé, elle a pris sa harpe, en a tiré quelques sons, comme elle fait parfois, en sourdine. Elle affecte un enjouement qui s’achève « dans un torrent de larmes », sous les regards et les paroles dont tout à coup elle est assaillie. Ne pleure-t-il pas, lui aussi ?

C’en est trop !

J’ai senti fuir mon âme effrayée et tremblante :
Ma sœur, elle est encor sur sa bouche brûlante !

Revenant sur cette scène, plus tard, à son retour chez Délie, elle dira, avec la même limpidité d’expression :

Et tout s’anéantit dans notre double flamme !

Quand s’éteignit-elle ?

En lui, bientôt ; en elle, jamais.

Il est permis de supposer que le séducteur de Marceline était ce que nous appellerions aujourd’hui « un jeune homme mondain ». Il disait ses