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MARCELINES DESBORDES-VALMORE

Laisse ma main… Cette chaise, d’un ruban signée, qui fut la sienne, la nôtre un instant…, quelle grâce, quelle délicatesse féminine, pour rendre l’indicible !

Puis, elle l’attend, elle fait l’apprentissage d’attendre, aux jours trop longs ou trop courts, où attendre est encore un bonheur.

Je ne veux pas dormir ; oh ! ma chère insomnie,
Quel sommeil aurait la douceur ?

. . . . . . . . . . . . . . .


Je n’ose pas dormir ! non, ma joie est trop pure,
Un rêve en distrairait mes sens.
Il me rappellerait peut-être cet orage
Dont tu sais enchanter jusques au souvenir ;
Il me rendrait l’effroi d’un douteux avenir ;
Et je dois à ma veille une si douce image !

. . . . . . . . . . . . . . .


Il m’aime, il m’aime encore ! ô Dieu, pour quel mensonge
Voudrais-je me soustraire à la réalité !

Il a dit : À demain ! À demain ! Que faire jusqu’à demain ? Rêver. Mais Marceline ne peut rêver que tout haut. Ses vers sont des instants de passion sublimisés et monologués. Habituellement seule, elle s’écoute aimer… ; et c’est pourquoi ses monologues entrecoupés de soupirs et maintenus à la température d’un feu intérieur que tout, dans la vie quotidienne, alimente, ont toujours ce mouvement et cette chaleur communicatifs.

Elle l’avoue enfin :

Hélas ! Je ne sais plus m’enfuir comme autrefois !