Page:Descaves - La Vie douloureuse de Marceline Desbordes Valmore.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
MARCELINES DESBORDES-VALMORE

Mlle de Lespinasse appelle le sien bourreau et meurtrier : c’est toute la différence.

Eh ! bien, je ferai observer — sans prétendre qu’on me suive dans mes déductions — que les Lettres de Mlle de Lespinasse furent publiées (par la veuve même du comte de Guibert, l’amant de Julie !) en 1809.

Marceline en fut-elle instruite ? Pourquoi pas. Elle était de loisir, alors, et cette lecture s’accordait assez bien avec ses pensées du moment. Son ami, poète lui-même, la tenait vraisemblablement au courant des nouveautés littéraires… ; si bien qu’il n’est pas téméraire de présumer que Marceline put connaître simultanément le paroxysme de l’amour et le don qu’avait eu, avant elle, une femme, de traduire immortellement la même intensité de passion.

Ni l’une ni l’autre ne se montrent difficiles sur le choix de leurs motifs d’inspiration ; mais Marceline est moins regardante encore que Julie, peut-être parce qu’elle écrit en vers. Elle se contente aisément des béatilles dont tant de faiseurs de romances reproduisent les modèles : bouquets fanés, gants, miroir, portraits.

Lettres d’amour, plaintes mystérieuses…
Cette fleur qu’il a respirée,
Ce ruban qu’il porta deux jours…

C’est une embrasée qui se désaltère au creux de sa main. Mais ses doigts, dans la lumière,