Page:Descaves - La Vie douloureuse de Marceline Desbordes Valmore.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
MARCELINES DESBORDES-VALMORE

Laissez-moi fuir un danger plein de charmes ;
Ne m’offrez plus un cœur qui n’est qu’à vous ;
Le badinage le plus doux
Finit quelquefois par des larmes…
Mais je n’ai rien perdu. La tranquille Amitié
Redeviendra bientôt le charme de ma vie ;
Je renonce à l’amant et je garde une amie :
C’est du bonheur la plus douce moitié.

C’est assez clair. Un poète papillonnait autour de Délie ; pour s’en débarrasser (signe, peut-être, qu’elle en était embarrassée) l’avisée comédienne le dirigea vers une proie gentille, sensible et crédule, sur laquelle, faute de grive, il se rabattit.

La remplaçante s’aperçoit bien du manège ; mais elle se trompe quand elle dit : « Mon cœur est éclairé. » Seul, son esprit l’est, et encore ! Pourquoi « cet amant si discret et si tendre » ne serait-il pas sincère après tout ?

Quand la femme se pose une pareille question, c’est qu’elle n’attend plus de réponse que de son cœur.

Celui de Marceline parla et fut, naturellement, écouté.

Et, non moins naturellement, lorsque ses yeux, trop tard, eurent été dessillés, elle n’hésita pas à rendre responsable de son funeste aveuglement, Délie ou une liaison dangereuse.

Oui, cette plainte échappe à ma douleur !
Je le sens, vous m’avez perdue !
Vous avez malgré moi disposé de mon cœur
Et ce cœur s’égara dès qu’il vous eut connue.