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MARCELINES DESBORDES-VALMORE

manquait à chaque heure ; à laquelle pourtant je ne manquais pas. Amour du berceau, sois béni, mystère doux et triste, comme tous les amours !

Plus tard encore, ne pouvant rien faire de mieux que d’écouter, durant les longs jours d’une traversée tantôt ardente, tantôt brumeuse, je laissai passer devant moi de nouveaux fantômes, vrais ou imaginaires, qui le sait ? Je les évoque à mon tour, altérés, modifiés dans les sommeils de ma mémoire qui les a logés sans les bien connaître, mais qui les aime encore. Connaissons-nous mieux à vrai dire, les êtres qui se racontent eux-mêmes, avec lesquels nous vivons, pour lesquels nous souffrons, et qui souffrent pour nous ? Est-on plus certain de rester dans le réel en croyant écrire de l’histoire ? Ainsi, qu’ils me pardonnent, les narrateurs dont j’ai mal retenu les récits, ou mal traduit les créations. Si quelques lignes émouvantes parmi toutes ces pages retrouvent accès dans le souvenir des passagers d’autrefois, qu’ils les reçoivent comme une restitution : ce qui restera, pâle et languissant, et pareil au calme plat dont nous avons souffert ensemble, quand il berçait notre navire sans le faire avancer, je le prends sur moi, pour le mettre au nombre de mes fautes dont je ne veux accuser personne.


Tout ce que nous savons de l’aventure, somme toute, se ramène à une image d’Épinal dont les légendes suivantes peuvent donner une idée :

« Dernier soupir d’une mère adorée. »

« Des personnes charitables recueillent et consolent Marceline. »

« A force de prières, elle obtient son passage à bord d’un navire de commerce prêt à faire voile pour la France. »