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MARCELINES DESBORDES-VALMORE

initiale et les premières années de son malheur.

Marceline observait, une fois, un nid que les hirondelles avaient fait sous le toit de la cour et qui portait bonheur à la maison. C’était vers le soir, après une journée chaude et pleine de soleil. « Le temps avait la fièvre. » Un ménage d’hirondelles se querellait continuellement et jetait des cris tantôt rares et plaintifs, tantôt aigus et multipliés. La femelle, ce jour-là, avait gagné un autre toit plus élevé et semblait ne point entendre les appels du mâle qui couvrait ses petits de ses ailes étendues. Il ne les quittait que pour s’élancer vers la fugitive et décrire devant elle des cercles expressifs. Il renouvela quatre ou cinq fois sa tentative… ; mais il eut beau s’arracher des plumes, exciter ses petits à gémir avec lui, la mère, en face d’eux, au bord du toit que des gouttes de pluie rendaient déjà glissant, regardait sa nichée avec indifférence. Tout d’un coup, désespéré, frénétique, le mâle se retourna vers ses petits, les saisit dans son bec l’un après l’autre (il y en avait quatre) et les précipita de toute la hauteur de son vol sur le pavé de la cour, où ils s’écrasèrent. Puis, secouant ses plumes frémissantes, il disparut dans l’orage, poursuivi par la femelle éperdue !

Marceline assista-t-elle réellement à cette scène ? J’en doute un peu. Je croirais plutôt que c’est une parabole grâce à laquelle, sans offenser la mémoire de ses parents, elle pouvait retracer leur vie domestique troublée par la misère et les efforts