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L’ENFANT

et par là s’explique la prédilection qu’elle eut toujours, et malgré tout, pour son garnement de frère.

Eugénie et Cécile, cependant, s’occupaient aussi de Marceline. Cécile lui apprenait à lire. Ou bien les quatre enfants ouvraient devant l’étuve un vaste parapluie rouge et, blottis sous cette carapace, admettaient le chat à leur dînette, quand ils n’écoutaient pas les histoires de la grand’mère et de l’oncle Constant.

L’oncle Constant en savait beaucoup, et de belles. Comme il dessinait fort bien, il avait fait, un jour, le portrait de Marceline dans sa petite chaise et avec sa poupée entre les bras. D’autres fois, il se moquait d’elle en fredonnant :

Elle est à trois étages
Dans ses ajustements !…

en raison de ses trois vêtements du matin, qui n’étaient jamais de la même longueur, car elle achevait d’user les vêtements déjà portés à tour de rôle par ses sœurs aînées.

Marceline, sensible au trait de son oncle, se mettait à pleurer… Mais à quoi n’était-elle point sensible, et que peu de chose suffisait pour qu’elle pleurât comme une vigne coupée !…

L’aïeule prenait sa défense et tout se terminait dans les embrassements.

La maison donnait, par derrière, sur une cour exiguë. L’herbe y poussait entre les pavés gris. Un puits mitoyen, que deux larges volets fermaient de chaque côté, permettait aux ménagères de