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LA MÈRE

de Sauveur lui conviendrait et quels sourires il moissonnerait sur la face désolée du monde !

C’est le regret qui s’exhale de ces vers frémissants adressés à la Vierge mère :

Parlez ! Vous qui voyez tout ce que j’ai dans l’âme.
Vous en avez pitié, puisque vous êtes femme.
Cet amour des amours qui m’isole en ce lieu,
Ce fut le vôtre ; eh bien, parlez-en donc à Dieu,
Sans reproche, sans bruit, douce reine des mères.
Cachez, dans vos pardons mes révoltes amères,
Couvrez-moi de silence et relevez mon front
Baissé sous le chagrin comme sous un affront !


Mais Mme Valmore n’avait nul besoin d’être une Mater dolorosa pour renouveler, pour nuancer son talent. Elle l’a prouvé et elle l’eût prouvé davantage si elle avait pu suivre les conseils qu’elle donne au ramier sauvage :

Ouvre ton aile au vent…
Laisse âmes doigts brisés ton anneau d’esclavage,
Tu n’as que trop pleuré ton élément, l’amour…
Va retrouver dans l’air la volupté de vivre !


Avec une sensibilité et une sincérité comme les siennes, nulle n’était mieux faite que Marceline pour goûter cette volupté et pour la traduire. Les saisons agissaient sur elle fortement et, vieille, elle tressaillait encore à leurs appels. Écoutons-la se confier à Pauline, avec son ingénuité habituelle :

Quoi qu’on en dise, Paris est un terrible climat et ses printemps ressemblent à des luttes d’amour. Il faut être