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LA MÈRE

son cœur tremblant et prêt à déborder, de la rue Feydeau à Passy, au chevet d’Ondine. Là encore, il fallait feindre la tranquillité, trouver l’éternel sourire. La moins hypocrite des femmes était condamnée à la dissimulation perpétuelle.

« Nous traversons la vie, a-t-elle dit, pour lutter et souffrir, et l’on nous regarde d’en haut marcher sous toutes nos flèches ! »

Vieille, pauvre et lasse, ah ! si lasse ! de quel secours peut-elle être pour cette fille aimée qui s’en va sans avoir compris, sans avoir encouragé sa mère ? Celle-ci ne peut donner que ce qu’elle a, ses pas, ses larmes, son silence contraint. Car il y eut toujours entre elle et sa « charmante lettrée » discordance de caractère, et Marceline le sait. À tout instant, son expansion est arrêtée par la froide raison de cette Ondine qui professe :

Je ne peux ni ne veux dire : Ceci est excellent, c’est mieux que tout. Je ne me résous même pas à déclarer : c’est passable, avant de le savoir par moi-même.

Tout le contraire enfin de Marceline. Jamais la jeune institutrice n’a pu s’acclimater dans l’oasis de tristesse et de crédulité où l’eau rafraîchissante a toujours comme un goût de sel. Et Mme Valmore ne respire pas davantage dans une atmosphère boréale. La fille étouffe où la mère est transie.

Ces jours-là en revenant chez elle, si loin ! en remontant chez elle, si haut ! « par les champs, par la pluie, le vent et la peur souvent », c’est