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LA MÈRE

Deux mois s’écoulent, et les alarmes de Valmore, à la veille d’un nouveau naufrage, se trahissent maladroitement, excessivement, dans une lettre qui accable sa femme. Il a dû parler de « disparaître », n’étant plus pour les siens qu’un surcroît d’embarras. Le coup la renverse, mais tournée encore, suppliante, vers lui :

Je te demande de m’aimer…, toi qui es à la fois mon ami, mon amant, mon mari, mon frère, mon père et mon enfant !…

Je te demande la parole de t’appartenir comme je t’appartiens, de vivre pour nous deux et les chers êtres qui t’aiment, de penser à leur laisser un avenir serein au lieu d’un avenir épouvantable. Ne m’abandonne pas ! Pardonne-moi si j’ai omis quelque tendresse, si je ne t’ai pas assez dit que partout je serai contente d’aller, mais avec toi. Tu n’as donc pas pensé que je le suivrais partout ? Ah ! c’est la première fois que tu me déchires le cœur ! Je suis ta femme, ta pauvre femme, et tu me dois mon mari que je te demande à genoux. Ma chère vie ! toi qui te prives de tout pour moi, tu t’inquiètes de ne pas m’envoyer assez ! Calme-toi. J’ai tout ce qu’il nous faut. Nous n’avons pas une dette pressante. Ton cordonnier et le mien sont payés. Tout le reste, c’est de l’amitié pure et de ceux qui n’ont nul besoin… Écris-moi sans affranchir les lettres puisque j’ai de quoi les payer.


On peut trouver la menace de Valmore déplaisante : elle l’est. Mais le malheureux est seul, à Bruxelles, sur sa galère dramatique. Rien à l’horizon. Aucun secours à attendre. Il écrit dans une minute d’égarement, emploie les mots et fait les