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LA MÈRE

Mais non. La vérité, c’est que Marceline revient saluer seule ; Valmore, que l’on cherche, a disparu. Ses lettres à sa femme, il les a détruites ; mais celles qu’il a reçues d’elle et qu’il a conservées, il passe sa vieillesse à les relire, à les classer, à les numéroter. Il en fait don à la Bibliothèque de Douai. Il ne veut pas qu’elles soient perdues, tandis qu’il fait bon marché des siennes à lui.

Est-ce d’un vaniteux, cela ?

Il fait mieux ; il fait une chose admirable et rare.

Il a été beau, recherché. Il serait infatué de sa personne, que, ma foi, on n’y verrait rien d’étonnant, surtout dans sa profession. Combien, à sa place, pour se présenter, grâce à leur femme, en avantageuse posture devant la postérité, auraient commencé par effacer toutes traces du passé, afin de faire croire qu’ils ont été follement, exclusivement aimés ?

Valmore, lui, ne se borne pas à n’exercer, dès le lendemain de son mariage, aucun droit de contrôle et de révision, sur les élégies dans lesquelles Marceline raconte tout au long ses premières amours. Plus tard, des confidences de sa femme, des allusions à ce passé brûlant, des cris arrachés à la damnée par ces flammes perpétuelles, il ne supprime rien non plus.

Est-ce d’un vainqueur, cela ?

Ni d’un vainqueur, ni d’un mari débonnaire.

Valmore était entier, autoritaire, « immobile dans ses aversions », dit Marceline, qui l’eût vo-