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L’ENFANT

a racheté cette discrétion en émaillant ses Élégies, quelques contes et l’un de ses romans, de toutes les fleurs que sa mémoire avait conservées fraîches. Elles ne l’étaient plus que là. À deux reprises, en 1817, à la mort de son père, et en 1840, en revenant de Bruxelles, Marceline avait revu Douai. Et déjà une lettre à Sainte-Beuve, écrite entre ces deux dates, est d’un cœur gros d’étonnement :


Je la croyais grande, cette chère maison… ; je l’ai revue et c’est une des plus pauvres de la ville. C’est pourtant ce que j’aime le plus au monde, au fond de ce beau temps pleuré !


Ce n’est qu’un soupir. Le regret s’épand dans une pièce du recueil des Pleurs qui parut en 1833 :

Vous aussi, ma natale ! on vous a bien changée !

Il en faudrait donc conclure que Douai en 1817 était déjà défiguré aux yeux de son enfant.

Mais, à la vérité, Douai, pour Marceline, c’est la petite paroisse, pas même : la rue où elle est née ! Un médaillon de ville découpée en profil et dont on n’aperçoit qu’un œil, une oreille, un côté… L’enfance de Marceline tourne autour, tout autour de la tour Notre-Dame, du rempart, de la maison natale, de l’église enchâssée, comme un bijou ancien, dans le cimetière, et enrichie de pierres tombales précieuses.

Et c’est cela que ne reconnaissait pas Marceline.