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L’ÉPOUSE

couronnes, elle était pleine d’inquiétude, et cette inquiétude, ce n’est pas assez de dire que les Valmore la partageaient.

Le bailleur de fonds de leur imprésario, découvrant que celui-ci n’avait le privilège ni de Naples, ni de Gênes, venait de se retirer avec sa commandite ; et comme il n’avait pas mis sa signature au bas du traité conclu par les comédiens, les malheureuses dupes se voyaient abandonnées avant d’avoir touché leur second mois d’appointements ! Cela, au milieu de l’allégresse générale et des préparatifs de réception. Le nom de Napoléon était dans toutes les bouches et sur tous les monuments. Le Dôme disparaissait derrière les échafaudages élevés pour les illuminations. Les églises étaient tendues de damas rouge frangé d’or. Le lac de Côme, par où devait venir le souverain, se couvrait de barques pavoisées et s’éclairait à giorno. Les sommets se couronnaient de lueurs. Spectacle magique… Mais Mme Valmore en parle… d’après Mlle Mars qui, seule, l’avait vu de ses yeux, car les pauvres gens n’étaient ni dans la situation matérielle ni dans l’état d’esprit congruents à ces réjouissances.

Et il faut bien ajouter que Marceline, en outre, avait la pensée par ailleurs occupée. Curieux phénomène ! Sous l’action du ciel d’Italie, analogue à une influence chimique, un souvenir, un nom, un regret, se réveillaient en Marceline, comme se colore, sur le papier, une encre sympathique longtemps invisible.