Page:Descaves - La Vie douloureuse de Marceline Desbordes Valmore.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
183
L’ÉPOUSE

la ville et s’intéressent aux spectacles qui l’animent, fût-ce le passage des convois funèbres. Une fois, ils font la rencontre d’une moissonneuse qui revient des champs et ressemble à Mme Dorval dans la Muette de Porlici, « où elle était si triste et si vraie ».

Mais les Milanais, en général, séduisaient peu Mme Valmore. Les voix éclatantes des femmes, supportables et même belles dans le chant ( « J’ai entendu à Turin seulement une céleste voix d’église : Dieu respirait en elle ! » ) lui donnaient, ailleurs, l’envie de fuir, lui rappelaient Lyon, « le pays des voix fausses et grossières, à quelques exceptions près ». Et puis, elle reprochait aux Italiens de ne pas aimer la romance, la romance lente et langoureuse, écoutée par le chanteur, d’abord, et monotone comme le bruit d’un jet d’eau dans une vasque. L’eau, ici, ne partait pas en jet, mais en fusée, en bouquet, en explosion. « Tous les accents qui m’entourent me semblent des cris sauvages. »

Allegro ! soupirait sans cesse Marceline, allegro, que veux-tu de moi ! Et elle en disait autant aux cloches, si différentes de celles qui sonnaient doucement l’heure au pays natal ! Elle en venait, sous ce beau ciel, au soleil,

  Ami de la pâle indigence,
  Sourire éternel au malheur !


à souhaiter la pluie, seule capable d’éteindre ces carillons ou du moins de les étouffer, de ne les