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L’ÉPOUSE

Il est heureux en vérité qu’elle ait toujours conservé cette candeur native. Femme savante ou femme artiste, eût-elle mérité que Barbey d’Aurevilly, impitoyable aux bas-bleus, la séparai de leur assortiment, et, parce qu’elle l’avait ému, l’appelât simplement l’Émue[1] ?

Quoi qu’il en soit, je ne ferai plus au Carnet que peu d’emprunts, la publication de M. Rivière me dispensant de citations en partie déflorées.


Le 19 juillet enfin, après douze jours de voyage, la famille arrivait à Milan, où l’attendaient l’imprésario et son commanditaire.

La modicité de leurs ressources obligea les Valmore à se loger Il Borgo de la Porta Romana, dans un faubourg de Rome, au fond d’une cour humide.

D’abord, Marceline se félicita de ne plus entendre, « de minute en minute, le coup de sonnette qui la faisait bondir pour recevoir des visites ». Ce n’était pas que l’endroit fût gai, ni spacieux. Valmore couchait dans un corridor ; ses filles et leur mère au milieu des malles, dans une chambre sans meubles ni rideaux. De son unique croisée, Marceline n’apercevait qu’un platane et un jeune acacia, qui mêlaient leurs branches. Et la tranquillité, là non plus, n’était pas complète. On entendait trop le son des cloches et les détona-

  1. Le critique ne se doutait pas qu’il faisait écho à Caroline Branchu, qui écrivait, un jour, à son amie : « Ma chère émue comme moi… »