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L’ÉPOUSE

étrangère… ; à entrer dans l’administration…

« J’aimerais mieux pour lui cette carrière que celle d’acteur, confiait Marceline à Caroline Branchu, car son genre est perdu en province. »

À partir de 1832, en effet, la tragédie avait disparu des programmes, remplacée, à Lyon, par la comédie, le drame historique et surtout la musique. Et comme il en était partout ainsi, Valmore était excusable, somme toute, de tourner ses regards vers la Comédie-Française et vers l’Odéon, derniers autels d’un culte abandonné.

Mais l’Odéon, une fois encore, rouvrait sans Valmore, et Marceline, attelée à la même espérance, gémissait dans les brancards : « Ah ! que je suis lasse ! »

La misère de Lyon, cependant, faisait à ses chagrins domestiques une basse continue. Je ne m’étonne pas, comme M. Blelon, qu’elle n’ait rien vu ni des coteaux de Fourvières et des Chartreux, admirés par Michelet, ni de la campagne environnante, dont la mélancolie a des charmes. Le drame la détournait du décor. Elle ne se mettait à sa fenêtre que pour se pencher sur la rue orageuse où trente mille ouvriers sans travail et sans pain, contenus par leur dévotion à notre-Dame de Fourvières, piétinaient, hâves et transis, dans la neige ou la boue, en chantant la faim ! Pourquoi pas, pendant qu’ils y étaient, un cantique d’actions de grâces au bon roi qui leur avait envoyé cinquante mille francs à partager entre eux ?

Jusqu’à la fin, ils devaient faire entendre à