Page:Descaves - La Vie douloureuse de Marceline Desbordes Valmore.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
MARCELINE DESBORDES-VALMORE

Mme Valmore, et celle-ci n’avait plus, avec son mari et ses enfants, malades comme elle, « que la triste liberté du grand chemin ».

L’émeute des 21 et 22 novembre 1831 ajoutait bientôt à la dureté du temps.

Rien n’était plus capable d’émouvoir Marceline qu’un soulèvement populaire comme celui-là.

Il ne s’agissait pas, pour les ouvriers en soie, de restaurer telle ou telle forme de gouvernement, empire ou république. C’était le dernier de leurs soucis. Ces agitateurs n’agitaient que leur affreuse misère et ne manifestaient que la prétention de subvenir par le travail à leurs besoins. Ils ne criaient pas, comme d’habitude : Vive quelqu’un ou Vive quelque chose ; ils criaient à l’infinitif : Vivre !… Vivre en travaillant ! Ils n’avaient pas le diable au corps, ils y avaient la faim. Le ventre, qui a dégradé tant de belles causes, ennoblissait la leur. Comme ils étaient à bout de forces, ils se faisaient même comprendre sans ouvrir la bouche. Ils arboraient un drapeau ni blanc, ni rouge, ni tricolore, un drapeau noir sur lequel ils avaient inscrit : Du pain en travaillant ou la mort. Ils se contentaient encore de piquer un morceau de pain à la pointe d’une baïonnette. Traduction libre : À ce signe, tu vaincras. C’était nouveau. Si nouveau, que le Journal des Débats, alarmé, prophétisait : « Le monde industriel et commercial a sa plaie : les ouvriers. Avec eux, point de repos pour la société. »

Moins ils parlaient politique, en effet, plus ils