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IX
AVANT-PROPOS

mon goût de chanter. » Je le crois bien !

Mais ce qui lui aliène surtout les sympathies des recteurs d’académie, ce sont les beaux vers qui déchirent comme des éclairs uniques, une prose nuageuse et mollement rythmée. Songez donc ! On ne peut pas reproduire de cette élégiaque une pièce complète, un modèle de confection. On renonce à compter les taches et les trous. Est-ce une tenue décente pour avoir accès dans les Anthologies ? On n’écrit pas des vers pour qu’ils soient cités isolément, mais pour qu’ils soient récités en foule et fassent valoir le lecteur, le récitateur, le conférencier, l’appariteur des recueils de morceaux choisis. Morceaux de pain pour cet huissier qui en vit et qu’un biscuit ne nourrirait pas. Donc, mort au vers orphelin, au vers qui se suffit et fait poème à lui tout seul ! Les Anthologies n’admettent les beaux vers qu’en nombre, en famille, cette famille fût-elle indigne d’eux !

Quant à la femme, elle n’est pas moins insupportable que le poète. Que l’on parle d’elle encore, et longuement, et tendrement, et pour la vénérer, cinquante ans après sa mort, ses détracteurs n’en reviennent pas ! Le joli mot qui louait, dans sa bouche, la générosité inlassable d’une vieille amie : « Votre cœur n’en finit pas », ce mot se retourne contre Mme Valmore. C’est cela : son cœur n’en finit pas, n’en finit jamais ! Il justifie la boutade d’un homme bien spirituel : Desbordes Valmore, non ! Valmore déborde, oui.