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on l’est dans les pièces de son répertoire, Marceline avait répondu : « Obéis à ton père. Quittons-nous, sois heureux. Je ne veux pas donner sujet de croire que tu dissipes avec moi ta jeunesse et ton bien. À t’oublier, c’est l’honneur qui m’engage. Adieu. »

Geste magnanime, d’autant plus que la question d’argent préoccupait surtout Marceline, en réalité. Rien n’en transpire dans ses vers, parce que ce n’est point matière à élégies ; mais ses lettres à son frère sont, à cet égard, explicites. Elle avait à sa charge, outre son enfant, son père, retourné à Douai. Une représentation donnée à son bénéfice par ses camarades, ne lui avait été que d’un secours précaire. Ils sollicitaient en vain, pour elle, « aux appointements et prorata de trois mille francs par an », le sociétariat qu’on accordait aux charmes de Délie… Exclue en 1815 de l’Odéon réorganisé, Marceline put considérer comme planches de salut celles du Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles. Son engagement lui assurait les premiers rôles et cinq mille francs d’appointements. C’était plus qu’elle n’eût gagné à Paris. Enfin, du moment qu’elle regardait la séparation comme un devoir, ne valait-il pas mieux quelle mît entre elle et son amant, une distance suffisante pour obvier aux défaillances, aux rechutes ?

En 1815, dans le courant de l’été, elle partit donc pour Bruxelles. Elle y emmenait son fils, âgé de cinq ans.