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LA JEUNE FILLE

Pendant le jour, écartant ton image,
Mes souvenirs et mes vœux superflus,
Je supporte mon sort ; et presque avec courage,
Je me dis : il ne viendra plus !
Le soir, en ma douleur, et plus faible et plus tendre,
Oubliant que pour nous il n’est plus d’avenir,
Je me laisse entraîner au bonheur de t’attendre
Et je me dis : Il va venir !
Mais quand l’heure a détruit cet espoir plein de charmes,
Je plains, sans l’accuser, un amant si parfait,
Je regarde le ciel, en essuyant mes larmes,
Et je me dis : Il a bien fait !

C’est une autre gamme, un renversement des rôles qui étonne un peu. « Nos cœurs unis semblent toujours s’entendre… À t’oublier, c’est l’honneur qui m’engage… Va, je te plains… Je t’ai permis de trahir tes amours… » Qu’est-ce que tout cela signifie ?

On peut se demander si, pour donner à sa maîtresse, l’exemple du courage, d’un entier sacrifice, l’amant rusé ne lui aurait pas tenu ce langage : « Mon père, affligé de la vie irrégulière que je mène, s’est mis en tête de m’établir et menace, si je refuse, de me couper les vivres. Si j’étais riche ou si seulement la littérature me nourrissait, je passerais outre à cet ultimatum. Mais j’ai besoin de la pension qu’il me sert et dont il me reproche de mésuser. Tu sais, d’autre part, qu’il ne consentira jamais à ce que j’épouse une comédienne. Là-dessus, il est irréductible. Que faire ? »

Et, prise au piège, pleine d’abnégation comme