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ſciences apportent des honneurs & des richeſſes a ceux qui les cultiuent; Et enfin qu’il eſt bon de les auoir tou- tes examinées, mſme les plus ſuperſtitieuſes & les plus fauſes, affin de connoiſtre leur iuſte valeur , & ſe garder d’en eſtre trompé. Mais ie croyois auoir déſia donné aſſez de tems aux langues ; & meſme auſſy a la lecture des liures anciens, & a leurs hiſtoires, & a leurs fables. Car c’eſt quaſî le meſ- me de conuerſer auec ceux des autres ſiecles, que de voyager. Il eſt bon de ſçauoir quelque choſe des meurs de diuers peuples, affin de iuger des noſtres plus ſaine- ment, & que nous ne penſions pas que tout ce qui eſt contre nos modes ſoit ridicule, & contre raiſbn ; ainſi qu’ont couſtume de faire ceux qui n’ont rien vû : Mais lorſqu'on employe trop de tems a voyaſger on deuient enfin eſtranger en ſon païs; & lorſqu’on eſt trop curieux des choſes qui ſe pratiquoient aux ſiecles paſſez, on de- meure ordinairement fort ignorant de celles qui ſe pra- tiquent en cetuycy. Outre que les fables font imaginer pluſieurs euenemens comme poſſibles qui ne le font point ; Et que meſme les hiſtoires les plus fideles, ſi elles ne changent ny n'augment la valeur des choſes pour les rendre plus dignes d’eſtre leuës, au moins en omettent elles prefque toufiours les plus baffes & moins illuftres circonftances, d’où vient que le refte ne paroift pas tel qu’il eft, & que ceux qui reglent leurs meurs par les exemples qu’ils en tirent, ſont fuiets a tomber dans les extrauagances des Paladins de nos romans, & a conce- uoir des deffeins qui paſſent leurs forces. I’eſtimois fort l’Eloquence; & i’eſtois amoureux de la

Poëſie: