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vérité. C’est à cette condition seule, que les trois autres maximes sont acceptées de lui provisoirement[1]. Mais alors le caractère de ces trois maximes en est tout changé : elles n’expriment plus la vérité absolue, la règle de conduite immuable, que l’homme doit suivre en tout temps, en tout lieu. Elles énoncent seulement ce qu’il est préférable de faire pour le moment, dans l’état actuel de nos connaissances, et en attendant mieux. Ce mieux, la science un jour le fera connaître : la morale future, morale définitive cette fois, sera fondée sur la vérité scientifique. Les conséquences de la quatrième maxime ainsi comprise, ont une portée incalculable : christianisme et stoïcisme, philosophie et religion, la foi et la raison même, telles qu’on les entendait jusqu’alors, perdent leur caractère absolu ; elles se trouvent entachées de relativité, et comme frappées de déchéance : elles deviennent quelque chose de provisoire, répétons-le, et par suite de précaire, destiné finalement à disparaître à la lumière de la science. Descartes retient momentanément, pour sa commodité particulière, ce qui lui paraît se recommander le plus dans le patrimoine des doctrines religieuses ou morales de son siècle ; mais c’est là le passé, dont il faut bien que le présent s’accommode, et le meilleur de son esprit est résolument tourné vers l’avenir.

  1. Tome VI, p. 27, l. 21, à p. 28, l. 1.