Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, XII.djvu/509

Cette page n’a pas encore été corrigée

Voyage a Paris. 467

à la même princesse et à ses amis de Hollande *. Il tombait mal en effet; les troubles de la Fronde allaient commencer, et la menace de ces orages qu'il n'avait pu prévoir, lui faisait regretter le ciel plus serein de la Hollande. Il se compare à un convive, que des amis ont invité, et qui trouve en arrivant la cuisine en désordre et la marmite renversée : il n'avait plus qu'à s'en retourner^. S'intéressait-on au moins à lui, je veux dire à sa philosophie ? Il ne le semble pas. On me voulait seu- lement avoir en France, dit-il lui-même, comme un animal rare, un éléphant ou une panthère, par pure curiosités

Notre philosophe exagère sans doute, et ce langage trahit un peu d'amertume. Car il avait de fidèles amis et des admira- teurs sincères. Arnauld était du nombre, et le sachant à Paris, il lui écrivit une lettre, où il se déclarait partisan de sa philo- sophie, à deux ou trois scrupules près. Les quelques petites difficultés qui l'arrêtaient encore, n'étaient rien moins que l'une des preuves de l'existence de Dieu; puis l'essence de l'âme, à propos de la pensée des enfants au sein de leur mère ; et enfin, à propos du vide, l'essence du corps. 11 n'était pas non plus rassuré au sujet du Saint-Sacrement, et ignorait donc l'explication donnée au P. Mesland les années précédentes : ce qui prouve que celui-ci l'avait gardée secrète. Descartes répondit brièvement à cette lettre, dont l'auteur ne se nommait pas ; il promettait d'être plus explicite dans un entretien de vive voix. Mais Arnauld était forcé de se cacher ; on était au plus fort du jansénisme, et il courait le danger d'être arrêté et enfermé à Vincennes, comme naguère Saint-Cyran. Descartes, à ce propos, dut faire ses réflexions sur la liberté dont on jouis- sait en France, quand on y exprimait des idées qui déplaisaient au pouvoir, ou seulement à ses anciens maîtres les Jésuites : nouvelle raison pour lui de regagner au plus tôt la Hollande.

a. Tome V, p. i83, 1. 20-2t, et p. 198, 1. t8-23.

b. Ibid., p. 292, 1. 22-25 : lettre à Chanut, 26 févr. 1649.

c. Ibid., p. 329, 1. 2-5 : du 3t mars 1649.

d. Ibid., p. 184 et 192, p. 211 et 219 : juin et juillet 1648.

�� �