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quatrains de Pibrac, et plus tard elle était capable, en manière de divertissement, de jouer son rôle dans une comédie de Corneille, la Médée^. Elle savait l’anglais, qui était la langue de sa mère ; l’allemand, langue de son père ; le flamand, puis- qu’elle vécut en Hollande; l’italien, car elle demanda à Descartes d’étudier avec elle Machiavel ; enfin le latin, au point de lire les Méditations du philosophe avant qu’elles ne fussent traduites en français : de même pour les Principes, qui lui furent dédiés ; elle avait même pensé un moment à apprendre le polonais, en vue d’un mariage qui d’ailleurs n’aboutit pas. D’autre part, elle savait assez de mathématiques pour résoudre un problème difficile que lui indiqua Descartes, et assez d’astronomie pour s’intéresser aux perfectionnements apportés au télescope, ainsi qu’aux découvertes de ce temps-là,

a. La plus jeune sœur, Sophie, dira plus tard, Memoiren der Her- \ogin Sophie (édit. Adolf Koecher, Leipzig, 1879), p. 34 : « On m’apprit » les quadrains de Pebrac, & le catechifme de Heidelberg en allemand, » que je fçavois tout par cœur fans le comprendre. » Elisabeth avait sans doute été élevée de même.

Et plus loin, cette même Sophie, ibid., p. 37 : « La reine fe retiroit » ordinairement tous les eftés dans une maifon de chaffe, nommée » Rhenen. S. M" y eftoit une fois, comme mes ſœurs pour la divertir » refolurent de reprefenter la comédie de Medée & me firent connoiftre » que je ne pourrois en eftre, parce que je ne ferois pas capable d’ap- » prendre tant de vers par cœur. Cela me piqua fi fort d’honneur, que » j’apprenois toute la comédie par cœur, quoyque je n’avois befoin de » fçavoir que le roolle de Nerine, qu’on me permit de reprefenter. La » reine en fut fatisfaite. . . Je n’avois qu’onze ans. » La princesse Sophie étant née le 14 oct. i63o, la date de ce divertissement est en 1641 ou 1642.

Voici, de la même main, un portrait d’Elisabeth à citer, ibid., p. 38 : « Ma fœur, qui s’appelloit Mad. Elifabet,... avoit les cheveux noirs, le » teint vif, les yeux bruns & brillans, les fourcils noirs & larges, le front » bien fait, la bouche belle & vermeille, les dens admirables, le nez » aquilin & menu, fujet à rougir; elle aimoit l’étude, mais toute fa phi- » lofophie ne l’empefchoit point d’eftre fort chagrinée aux heures que la » circulation du fang luy caufoit le malheur d’avoir le nez rouge; elle fe

» cachoit dans ce moment devant le monde Elle fçavoit toutes les

» langues & toutes les fciences, & avoit un commerce réglé avec M. Def- » cartes; mais ce grand fçavoir la rendoit un peu diftraite & nous don- » noit fouvent fujet de rire. »

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