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jçS Vie de Descartes.

bien toutefois le vrai chiffre, pourrait-on dire, le chiffre réel ? Peu importe, après tout, si par lui nous arrivons à traduire les choses et à les interpréter. Voilà bien encore de ces raisons de douter, raisons en l'air, et sans fondement solide! Sans doute il n'est pas impossible, à la rigueur, que deux montres, par exemple, tout à fait semblables extérieurement et qui marquent l'heure Tune comme l'autre, diffèrent par leur mécanisme : de même les effets que nous observons en ce monde, peuvent se réaliser par d'autres moyens que ceux que nous supposons. Mais ceux-ci sont intelligibles pour nous et nous réussissent ; ils sont donc pour nous les vrais moyens, et nous tiennent lieu des moyens réels, s'il en est, que nous ne connaissons pas. Et même, parviendrions-nous un jour à connaître ces derniers,

» propofitions certaines & éuidentes par elles-mefmes, dont tous les » hommes font d'accord. On demande à des Mathématiciens principa- » lement des demonftrations, & non pas des conje£lures; on veut eftre » conuaincu, & non pas perfuadé... » {Ibid., p. 375.) Et plus haut encore, l'allusion à Descartes est transparente : « ...La Nature elle-mefme, » dont ces nouueaux Phyficiens fe vantent d'auoir pris le chiffre... » (Page 364.) Et enlin : « D'abord on ne fongeoit qu'à fe diuertir vn peu » philofophiquement, quand on laiiVoit faire à la matière fubtile de » rVniuers plus de tours de pa(Te-palT^ d'vn pôle à l'autre, & plus de » fauts périlleux, que n'en fit iamoi; Scaramouche dans le Medico » volante. On lifoit cette nouuelle Phylique comme le Roman d'vne » Philofophie faite à plaifir. . . » (Page 364.) « . . .Sur la foy de Rober- » ual, on iureroit que cette nouuelle Philofophie n'eit que le jeu d'efprit » d'vn galant homme laffé de la pédanterie de l'Echoie ; ou, fi vous » voulez, vn beau fonge fait en veillant par vn Mathématicien fort de » loifir, qui aimoit à réuer auec méthode & félon les règles de l'art. » (Page 365.)

Plus tard, Bossuet dira : « Vous voilà à difputer fur la nature des » corps, à examiner jufqu'à quel point Dieu a voulu que nous connuf- » lions le fecret de fon ouvrage, & s'il ne voit pas, dans la nature des » corps comme dans celle des efprits, quelque chofe de plus caché & de » plus foncier, pour ainfi dire, que ce qu'il en a defcouvert à noftre » foible raifon. » {Sixième Avertissement à M. Jurieu, 3« partie, t. XXII, p. 209-210, Œuvres de Bossuet, Versailles, 1816.)

C'est l'éternelle objection des sceptiques et des mystiques, laquelle ne nous laisse le choix qu'entre un savoir simplement relatif (si elle est admise), ou (si on veut en finir avec elle) l'idéalisme absolu. On paraît revenu, de nos jours, d'une telle prétention.

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