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soit pour l’épouvanter. On leur attribuait volontiers des causes surnaturelles. Quelle tentation, pour un savant, de montrer que là aussi tout s’explique naturellement ; et s’il y réussissait, quel triomphe pour la science ! Il y avait deux choses dont notre philosophe voulait délivrer, et si l’on ose dire, exorciser l’esprit humain : l’étonnement, toujours mauvais, et nuisible à la science, en ce qu’il arrête toute recherche, et immobilise l’esprit dans un ébahissement stupide devant un fait réputé merveilleux ou miraculeux ; puis ce sentiment, dont l’étonnement n’est d’ailleurs qu’un excès, et dont le savant doit aussi se garder, l’admiration, qui l’incite à croire qu’un fait est plus difficile à comprendre qu’il ne l’est, et passe la portée de notre connaissance. A la première page des Météores, Descartes annonce qu’il prouvera, par des exemples, « qu’il est possible de trouver les causes de tout ce qu’il y a de plus admirable sur la terre » ; et à la dernière page, il conclut que la preuve est faite, et « qu’on ne verra rien dans les nues à l’avenir, qui donne sujet d’admiration[1] ».

Les nues comprennent, en effet, pour lui tous les Météores, et sont comme le centre d’où il convient de les examiner. Elles sont formées de vapeurs, et non pas d’exhalaisons, ce qui oblige d’abord Descartes à marquer la différence entre les unes et les autres ; puis, comme ce sont les vents qui les élèvent et les assemblent en l’air, de là une étude préalable des vents ; puis on voit les nues se dissoudre en pluie, en neige, en grêle, autant de phénomènes à étudier ; des nues aussi viennent les tempêtes, le tonnerre et les éclairs ; après ces choses « qu’on voit dans l’air en même façon qu’elles y sont », Descartes examine enfin celles « qu’on peut y voir sans qu’elles y soient[2] », l’arc-en-ciel, les couronnes autour des astres, les parhélies ou faux soleils. Les nues font donc bien l’unité de tout l’ouvrage.

Toujours habile à profiter des circonstances. Descartes

  1. Tome VI, p. 231, l. 15-21, et p. 366, l. 23-28.
  2. Ibid., p. 324, l. 24-29.