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jours, les plus familières : le tonneau plein, qui ne peut se vider tant qu’il n’a qu’une ouverture, et non pas deux, etc. Pourtant il donne aussi une raison primordiale : c’est que le vide est le néant, le rien ; or partout où il y a longueur, largeur et profondeur, il y a quelque chose. Quoi donc ? De l’étendue, et partant, de la matière, car c’est tout un.

Une conséquence immédiate de cette impossibilité du vide, c’est que le mouvement indéfini en ligne droite devient impossible : toute portion de matière qui se meut, en rencontre devant elle une autre, dont elle prend la place, et celle-ci une troisième, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on revienne, par un cercle, à la première ; il ne peut donc y avoir que des mouvements circulaires : Descartes cite l’exemple d’un poisson qui nage dans l’eau[1]. Et voilà, par avance, tout indiquée l’hypothèse des tourbillons.

L’absence de vide partout amène aussi Descartes à supposer partout une matière, de plus en plus subtile, et qui échappe d’ailleurs à nos sens. Il reprend encore à ce sujet une théorie des philosophes, relative aux éléments. Mais il la modifie par des considérations de mathématicien : les particules de matière ne peuvent être que de trois sortes, ou grosses (jusqu’à une certaine grosseur), ou petites, ou moyennes, c’est-à-dire entre les deux. De là trois éléments, ni plus ni moins ; le nombre en est fixé nécessairement. Et Descartes leur donne les noms de feu, d’air et de terre, avec des sens différents toutefois du langage usuel. En réalité, il voit d’avance dans ces éléments les matériaux des trois parties du monde qu’il va maintenant expliquer : le Soleil et les Étoiles, puis les Cieux, enfin la Terre avec les Planètes et les Comètes.

Cette introduction terminée, Descartes n’étudie pas encore le monde réel, que nous habitons. Afin d’être plus à l’aise en ses explications, il suppose, dans les espaces imaginaires, un monde à sa fantaisie, et il en raconte la formation. C’est un

  1. Tome XI, p. 19, l. 20, à p. 20, l. 6.